Saint-Ouen Lutte n°23 - 19 juillet 2002

La "nouvelle économie" à Saint-Ouen : Je travaille à Liberty Surf *

Quelle paix pour la Palestine ? *

Saint-Ouen : Construction massive de bureaux *

Alstom : Spéculations sur les terrains et l’immobilier *

Saint-Ouen - ZAC Victor Hugo - Friche du RER C : Plus de monde pour l’espace vert que pour "la concertation" *

Citroën : Il y a vingt ans, la grande grève de 1982 *

Editorial : Comme en 1995, faire reculer l’offensive gouvernementale *

 

La " nouvelle économie " à Saint-Ouen :
" Je travaille à Liberty Surf "

Sol - Il y a combien de personnes à Liberty Surf ?

On était environ 500 il y a un an, 300 à Saint-Ouen et 200 à Bordeaux. Je ne sais pas exactement combien on est maintenant. A Bordeaux, c'est la " hot line ", c'est-à-dire l'assistance téléphonique. A Saint-Ouen, on est dans le média : marketing, design, etc.

Sol - Tu parles de média. Mais comment désigner le produit ? Qu'est-ce que vous faites ?

Le produit, c'est un site Internet, mais avec du service: la possibilité d'avoir plusieurs boîtes à lettres électroniques, un agenda consultable de n'importe quel ordinateur, avec des prix-forfaits, une assistance téléphonique... C’est vrai que ce n’est pas un produit au sens matériel classique.

Sol - Quels sont les métiers, les catégories de personnel ? I1 y a bien quelques ouvriers, ne serait-ce que pour l'entretien ?

Bien sûr, il y a des ouvriers. On a recréé des ouvriers - ils sont tous en sous-traitance -, pour l'entretien, la maintenance, le nettoyage, etc. Et la majorité des travailleurs, même s'ils sont sur ordinateur, ont un travail chiant, répétitif. Ceux du " call center " à Bordeaux, par exemple, doivent assurer un rendement ! On est devenus une industrie classique. Le phénomène de start-up s'est éteint.

 

Sol - En quelle année a été créée Liberty Surf ?

En avril 1999. Et on est arrivés à Saint-Ouen en février 2000. Au tout début, le PDG a démarré dans sa voiture, en faisant croire qu'il avait un bureau. A Saint-Ouen, il a d'abord loué un étage, puis un deuxième. La croissance s'est faite aussi en rachetant d'autres sites Internet, par exemple un moteur de recherche. Il y a deux ans, j'étais riche, au moins virtuellement, mes stock-options représentaient trois millions de francs ! Un an après, plus rien ! Enfin, un petit salaire, tout de même. C’est mieux qu’avant : j’étais au RMI !

Sol - La mentalité aussi a dû changer ?

Tout à fait. Au début, c'était de la folie. Tout le monde bossait de 12 à 15 heures par jour. Quand la boite est rentrée en Bourse, le PDG a affrété un avion entier et on a passé une semaine dans un palace en Tunisie, avec champagne à volonté. Maintenant, tous les créateurs du début sont partis. Il y a un an, Liberty Surf a été rachetée par Tiscali, des Italiens. Dans tout le secteur Internet, soit les boîtes mettaient la clé sous la porte, soit elles étaient rachetées. Dans les deux cas, c’était les licenciements. L’année dernière, nous avons eu aussi les premières élections de délégués et la mise en place des syndicats.

Sol - L’arrivée du syndicalisme s’est faite en réaction contre des licenciements ?

Non, la première revendication, c’était les 35 heures. En fait, on est à 37 heures avec 11 jours de congés supplémentaires. Les licenciements sont arrivés après, en février. Il y a aussi des licenciements individuels, dans des conditions pas claires du tout. De tous ceux qui ont été licenciés, je n’en connais aucun qui ait retrouvé du boulot.

Sol - Vous êtes donc devenus une entreprise classique. Est-ce que la situation est stabilisée maintenant ?

Pas du tout. Il y a 5 boîtes de portails d’accès à Internet, c’est encore 2 ou 3 de trop ! Il paraît qu’on pourrait être rachetés par Wanadoo. Et là, on serait en doublon total avec T-on-line. Je pense que ce serait des licenciements massifs.

Sol - C’est bien ça : vous êtes devenus une entreprise normale ! La " nouvelle économie " c’est toujours le capitalisme !

 

Quelle paix pour la Palestine ?

L’occupation sporadique des territoires palestiniens de Gaza et de Cisjordanie par l’armée israélienne, provoque une vague de terreur contre les palestiniens et, en retour, la multiplication des attentats terroristes contre la population d’Israël. Face à cette situation, les pacifistes, les Etats européens et même Georges Bush, en appellent à une solution négociée du conflit, pour que s’installe une paix durable au Moyen-Orient.

La paix ? Mais quelle paix ? Et au profit de qui ?

Ce sont justement les accords de paix d’Oslo qui sont à l’origine de la deuxième révolte palestinienne. Reniant sa signature, l’état d’Israël, non seulement ne s’est pas retiré des territoires, mais a accentué la colonisation, multipliant par deux le nombre des colons à Gaza et en Cisjordanie, avec l’appui des Etats-Unis.

Le gouvernement, dirigé par Sharon, le leader d’extrême droite, ne fait qu’amplifier vis-à-vis des palestiniens une politique d’expropriation des terres et d’Apartheid, pratiquées pendant des années par les sionistes de gauche ou de droite. Entre la politique de terreur d’Etat des sionistes, qui veulent parquer les Palestiniens dans des bantoustans, et peut-être même les expulser, et celle des nationalistes palestiniens qui envoient des bombes humaines tuer des civils en Israël, n’y a t-il pas d’alternative ?

Une amorce de solution au Moyen-Orient ne peut provenir que du retrait des troupes israéliennes des territoires occupés et de la reconnaissance du droit des palestiniens d’avoir leur propre Etat. Mais la solidarité avec la lutte des palestiniens ou les efforts pour la paix ne peuvent résoudre la question. La politique des impérialistes, britanniques puis américains, a attisé les haines nationales et creusé un fossé de sang entre les peuples. Les véritables ennemis des travailleurs israéliens ne sont pas les Palestiniens, mais la politique expansionniste des sionistes israéliens, d’extrême droite, comme Sharon, ou de gauche, comme Shimon Perès.

Un soutien véritable à leur lutte, les travailleurs palestiniens ne le trouveront pas chez les nationalistes de l’OLP, du Hamas ou chez les dirigeants des états arabes, mais chez les paysans, les pauvres du Moyen-Orient et en tendant la main aux travailleurs juifs et arabes de l’Etat hébreu.

Léo

Saint-Ouen

Construction massive de bureaux

La ville de Saint-Ouen et l’Etat viennent de signer une convention d’équilibre "habitat - activités", fixant la cadre des constructions pour la période 2001-2006 tant au niveau des logements, des bureaux que des locaux d’activité. Cette convention dresse aussi un bilan très instructif des constructions passées et de l’évolution du nombre d’emplois et d’habitants sur la Ville. Entre 1962 et 1999, le nombre d’habitants a baissé de 12 000 et est passé en dessous de la barre des 40 000 habitants. Or, il faut savoir qu’en dessous de 40 000 habitants, la dotation financière par habitant versé par l’Etat à la commune diminue. L’objectif pour la Municipalité est de repasser au-dessus de la barre des 40000 habitants en faisant venir une classe moyenne et surtout de poursuivre la construction de bureaux.

Les logements sont vétustes, petits, surpeuplés et font cruellement défaut. Or ces dix dernières années sur 420 000 m2 qui ont été construits, il n’y a que 85 000 m2 de logements. En résumé, lorsqu’on a construit 4 m2 de bureaux et de locaux commerciaux ou industriels, on n’a bâti que 1 m2 de logements. Les signataires eux-mêmes admettent qu’il faut " redresser ce fort déséquilibre ". Mais même en construisant 124 000 m2 de logements jusqu’en 2006, on sera trois fois en dessous de la proportion qui sera pratiquée en Seine Saint-Denis de 1990 à 2006. C’est dire que ces projets, même améliorés ne rattraperont pas le retard accumulé.

Ce qui n’a pas été oublié entre temps ce sont les cadeaux faits aux bétonneurs et aux spéculateurs immobiliers pour multiplier la construction de bureaux, hôtels… L’accord signé entre la ville et l’Etat vise avant tout à accompagner les mutations du capitalisme, la tertiarisation de l’économie, la délocalisation des activités industrielles (Voir l’article Alstom : Spéculations sur les terrains et l’immobilier) mais ne répond pas aux attentes de la population.

Il s’agit d’étendre le centre d’activités tertiaires de Paris à la proche banlieue et plus particulièrement, pour Saint-Ouen, à la partie sud de la ville. Cet accord va en plus éloigner la majorité des habitants de leur travail tout en prétendant agir pour un rapprochement entre l’habitat et l’emploi. En effet, alors que la Ville compte 41,9 % de logements sociaux, " la part du logement social dans l’offre nouvelle devra rester inférieure au 36 % ". Concrètement, ça veut dire que les familles populaires devront loger ailleurs : encore plus loin en banlieue.

Laurent

Alstom

Spéculations sur les terrains et l’immobilier

 

Plusieurs centaines de travailleurs du groupe Alstom, venus surtout d’Allemagne et de Belgique, ont manifesté le 3 juillet à la Défense, où se tenait l’assemblée générale des actionnaires. Le PDG, Pierre Bilger, pouvait y faire le bilan de son plan " Restore value "* présenté en mars. Ce plan prévoyait entre autres la vente de tous les terrains et biens immobiliers, repris en location. Une opération qui devrait générer une belle rentrée d’argent frais, pas pour les travailleurs évidemment ! Ceux-ci sont au contraire assez inquiets. Trois usines sont menacées de fermeture en Europe : à Filderstadt en Allemagne, Manchester en Angleterre, et Dison en Belgique. En France, 85 suppressions d’emplois ont été récemment annoncés à Petit-Quevilly (Seine-Maritime).

Et à Saint-Ouen, une des deux usines du site, la SIF (signalisation ferroviaire) doit déménager en 2003. Dans l’immédiat, 80 travailleurs doivent aller à Meudon, ce qui n’est quand même pas la commune d’à côté. Les travailleurs de TSO (transformateurs de Saint-Ouen) resteraient à un peu plus de 400 sur un site où il y avait 3500 personnes il y a 50 ans. Le site Alstom de Saint-Ouen est-il destiné à une belle opération immobilière ? Ce serait sans aucun doute du " restore value " pour les actionnaires. Mais pour ce qui est des besoins de la majorité de la population, c’est différent. C’est : " restore " salaires.

Loïc

* "restore : restaurer, rétablir"

 

 

Saint-Ouen - ZAC Victor Hugo - Friche du RER C

Plus de monde pour l’espace vert
que pour "la concertation"

La restitution des réunions thématiques sur l’avenir de la ZAC Victor Hugo s’est tenu le samedi 22 juin matin, salle Payret. Il n’y avait pas foule, seulement une petite trentaine de personnes se sont déplacées. Les responsables municipaux ont fait tourner court le débat en refusant de répondre aux propositions qui étaient faites pour préserver l’espace vert. On peut se demander si la mairie ne veut pas en définitive continuer à construire le plus possible et ne laisser qu’un espace vert symbolique.

Le lendemain de cette réunion, un vide grenier avec un pique-nique suivi d’une pièce de théâtre étaient organisés sur la friche par les partisans de la transformation de l’espace vert en un parc ouvert à tous. Des centaines de personnes qui ne s’étaient pas déplacées à la réunion organisée par la mairie sont venues profiter du soleil et de la verdure. Cela montre l’attachement des habitants pour ce dernier espace de verdure qu’il faudra bien que la municipalité finisse par reconnaître.

De nouveaux moments festifs sont prévus cet été dont, ce samedi 20 juillet, une nuit du cinéma avec pour commencer dès 17 heures des expositions, à 18 heures 30, l’érection de la statue Demoiselle La Friche puis un pique-nique.

Laurent

Citroën

Il y a vingt ans, la grande grève de 1982

Le 26 avril 1982, les travailleurs de l’usine Citroën-Aulnay, se mettaient en grève pour le respect de la liberté et de la dignité dans l’entreprise. Les usines Citroën-Saint-Ouen-Les Epinettes et Garibaldi, Levallois et Asnières entraient en lutte à leur tour.

Dès le premier jour, les travailleurs de Saint-Ouen-Les Epinettes durent affronter de véritables commandos anti-grévistes. Depuis des années, la direction avait, en effet mis en place un système de répression, pour imposer des cadences toujours plus dures. Un système de mouchards, d’agents de secteur, de soi-disant interprètes et le syndicat patronal, la CSL (aujourd’hui SIA) tentaient de faire régner la terreur patronale dans l’usine et truquaient les élections syndicales en obligeant les ouvriers à " bien voter ".

La grève durera 37 jours et sera victorieuse le 1er juin 1982. Les travailleurs obtiendront des augmentations de salaires de 400 F (pour des salaires d’environ 3 500 F), plus une prime de 100 F. Une revalorisation des salaires d’environ 15 à 20 %, mais surtout les travailleurs retrouveront leur dignité et une certaine liberté, y compris syndicale, dans l’entreprise.

Depuis des années, la direction a tenté de reprendre les acquis de cette grève. Elle a du mal à y arriver, mais augmente les charges de travail, réduit les salaires d’embauche, tente de jouer les intérimaires et les jeunes contre les embauchés.

La mémoire de 1982 reste vivace. Ce qui subsiste surtout, c’est l’idée que pour faire reculer la direction, la grève est l’arme la plus efficace des salariés.

Léo

Editorial

Comme en 1995, faire reculer l’offensive gouvernementale

La droite a gagné les élections, avec une large majorité. Après les faux-amis de la gauche plurielle les travailleurs ont en face d’eux pour cinq ans, leurs ennemis déclarés.

Pour bien marquer sa différence et donner satisfaction à son électorat, le gouvernement Raffarin est à l’offensive, et en rajoute chaque jour.

Dans le domaine sécuritaire, l’axe de campagne de Chirac, cette politique se concrétise par de l’argent supplémentaire pour la police et la gendarmerie, par des opérations " coup de poing " dans les quartiers populaires, par les menaces d’expulsion de prostituées étrangères et de tsiganes, pour satisfaire l’électorat réactionnaire. Il va jusqu’à autoriser l’enfermement dans des prisons-taudis d’adolescents de treize ans, alors que l’Assemblée compte amnistier les ministres, les députés, et jusqu’au chef d’Etat, mouillés dans les affaires politico-financières.

Le 14 juillet, dans son interview télévisé, Chirac a réaffirmé que la baisse des impôts et des charges était " une question de survie ". Pas la baisse de la TVA, qui ampute les plus pauvres de près de 20 % de leurs maigres ressources, mais la baisse de l’impôt sur le revenu ou les impôts sur les bénéfices des sociétés qui profiteront aux plus riches. Avec les diminutions de l’impôt, ce sera moins d’argent dans les caisses de l’Etat, moins d’argent pour les hôpitaux, les transports en commun, l’enseignement, la construction des logements sociaux. Seul le budget de l’armée ne sera pas réduit et le gouvernement a déjà annoncé la construction d’un deuxième porte-avions ruineux, du type " Charles de Gaulle ".

En matière de privatisation, le gouvernement de droite continuera la politique menée par la gauche. Préparée sous Jospin, la privatisation d’EDF et de GDF se poursuivra sous Raffarin, avec à terme une dégradation du service public et donc la multiplication des accidents, tel celui qui s’est produit récemment après la privatisation du contrôle aérien dans une partie de ce secteur.

Chirac a beaucoup parlé dans sa campagne de réduire la fracture sociale, c’est-à-dire l’écart qui se creuse entre les riches et les pauvres. Bien entendu, Raffarin ne fera pas plus que Jospin contre les plans de licenciements qui se multiplient.

Pour ce qui est des retraites, le gouvernement est méfiant à cause du souvenir de la raclée subie par Juppé en 1995 face aux cheminots et aux postiers. Il attendra sûrement après décembre 2002, date des élections prud'homales, que cesse la surenchère syndicale, et saucissonnera sûrement le problème. Le gouvernement entend s’en prendre aux retraites des travailleurs, alors que l’exploitation accrue les oblige à venir au travail plus longtemps et pour une retraite plus faible. Les profits faramineux ne viennent pas de nulle part.

Pour préparer de véritables luttes, capables de faire remballer ses projets au gouvernement, on ne pourra s’en remettre aux initiatives des confédérations syndicales. Si le mécontentement monte, elles encadreront les luttes pour mieux les étouffer après. Seuls ceux qui se placeront véritablement sur le terrain de la défense des travailleurs en faisant des propositions, permettront de donner un avenir à ces luttes, en défendant les intérêts généraux des travailleurs face à l’offensive du patronat et du gouvernement Raffarin.

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