Saint Ouen Luttes n°22 - 2 juin 2002

Saint-Ouen - ZAC Victor Hugo - Friche du RER C : La réalisation d’un véritable parc ne coûtera pas " 100 briques " ! *

Saint Ouen - TIRU et SYCTOM : Fumée et poudre aux yeux *

Réforme des collèges : On n’est pas motivés par leurs itinéraires *

Saint Ouen : Une Manif devant l’Alstom *

Le Parisien : le pays où la vie est plus chère *

Super Sarkozy à Saint Ouen *

Editorial : Bousculons leur petit jeu politicien *

Saint-Ouen - ZAC Victor Hugo - Friche du RER C

La réalisation d’un véritable parc ne coûtera pas " 100 briques " !

Les "ateliers de travail", bref les réunions ouvertes à la population, sur l’avenir de la ZAC Victor Hugo viennent de s’achever ce 28 mai. On ne sait pas encore comment la municipalité va prendre en compte les revendications portées des habitants pour transformer l’unique espace vert du quartier en un véritable parc ouvert sur le quartier. L’utilisation de la presse municipale (cf. article "Pour 100 briques, t’as une friche !", Saint-Ouen Ma Ville, mai 2002) semble montrer une volonté de la municipalité de ne pas prendre en compte la volonté des 2000 pétitionnaires afin de préserver le dernier espace vert du quartier des bétonneurs. En effet, Saint-Ouen Ma ville avance que conserver cet espace vert coûterait " 100 briques ", les budgets présentés montrent que cela empêcherait de vendre des terrains aux promoteurs immobiliers lesquels rapporteraient à la mairie 85 millions de francs (MF) et que cela coûterait 10 MF de travaux supplémentaires.

Dès la présentation de ce budget, les habitants ont souligné que l’on pouvait empêcher le déficit annoncé : 1) en obtenant les terrains gratuitement de l’Etat, ce qui avait été promis par l’ex-ministre des Transports et qui est encore plus envisageable si les terrains transformés en parc restent dans le domaine public : ceci représenterait une économie de 27 MF ; 2) en faisant admettre que les travaux de voiries, de réseaux d’éclairage, d’électricité, d’eau… ne seraient pas en hausse avec un parc mais en baisse de 18 MF ; 3) en demandant des subventions auprès de la Région pour l’aménagement du parc (2 à 4 MF). Les experts et élus présents ont été obligés d’admettre la pertinence de ces suggestions.

Un document réalisé par l’association "Les Genvironnes et la terre est bleue comme une orange" (collectif Friche en ville) souligne que des économies supplémentaires pourraient être réalisées et demande que ces propositions soient étudiées avec les experts et les élus. Mais ceux-ci ont refusé, lors de la dernière réunion, de ré-aborder la question du budget. On s’éloigne ainsi de l’objectif de démocratie participative dont se targue la mairie. La municipalité finira-t-elle par écouter les propositions des habitants ? On en saura plus lors de la réunion publique de restitution des ateliers qui se tiendra le 22 juin de 10 heures à midi dans un lieu qui n’a toujours pas été communiqué.

Jean Dessaules

Saint Ouen

TIRU et SYCTOM : fumée et poudre aux yeux

L’usine de Traitement Industriel des Résidus Urbains (TIRU), gérée par le SYCTOM, syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères, est sans aucun doute l’usine la plus visitée de Saint-Ouen. La seule visitable, peut-être. Elle est, nous dit-on, moderne, récente, et " aux normes ".

Sauf que " aux normes " signifie " aux taux de pollution autorisés ". A TIRU et SYCTOM, il faut répondre " CNIID " et " The Lancet ". Le CNIID est le Centre National d’Information Indépendante sur les Déchets, association fondée par des écologistes qui a commencé à faire parler d’elle en 1997. Et " The Lancet " est une célèbre revue internationale d’épidémiologie. Elle a publié récemment une nouvelle étude sur l’incinération des déchets. Depuis 1997 également, le Ministère de l’Environnement et les autorités européennes se sont mis à légiférer.

Où est le problème ?

D’abord la dioxine. Les PCB, produits chlorés, dégagent en brûlant des dioxines, dont une, la TCDD 2378 (tétrachlorodibenzodioxine) est extrêmement nocive, même à de très faibles doses. Elle a été popularisée depuis la catastrophe de Seveso, près de Milan, en 1976. Ses effets sont les suivants :
- effondrement du système immunitaire,

- cancers,

- blocage du système nerveux central,

- mutations et malformations génétiques.

Deuxièmement, il y a les métaux lourds. C’est en particulier le cadmium et le mercure, qui ont des effets du même ordre que la dioxine.

L’étude de " The Lancet " publiée en 2000 avait été effectuée dans le département du Doubs. Elle montrait que les deux cantons qui avaient les taux de cancers nettement supérieurs aux autres étaient ceux entourant l’usine d’incinération de Besançon. Une autre étude publiée en 2001démontre que les enfants vivant à proximité d’incinérateurs de déchets ont un retard de maturité sexuelle. Cette dernière étude est d’autant plus intéressante qu’elle a été effectuée dans une situation où les taux de pollution observés sont autorisés et censés ne présenter aucun danger. L’étude conclut que les normes actuelles sont insuffisantes pour éviter des effets graves à l’âge adulte.

En clair, l’usine de Saint-Ouen est aux normes, c’est-à-dire qu’elle est dangereuse. Le CNIID fait à juste titre le parallèle avec l’amiante. Pendant des années, les patrons, les fonctionnaires ministériels, les experts et autres " responsables " (mais pas coupables) ont fixé des taux d’empoussièrement à l’amiante acceptables. Pour, finalement, devant la montée du nombre de morts et de blessés, aboutir à l’interdiction totale.

Quelle est la solution ?

Faut-il interdire l’incinération des déchets ?

D’abord, pourquoi cette incinération se fait-elle à Saint-Ouen et pas à Neuilly ? Vous savez que les habitants de Vitry se sont battus contre la construction d’une usine d’incinération sur le territoire de leur commune et ont obtenu gain de cause en septembre 1999. Mais, bien sûr, empoisonner les autres n’est pas une bonne solution.

Deuxièmement, on s’attaque à des gros. Les actionnaires de la TIRU s’appellent EDF, Vivendi, et la Lyonnaise des Eaux. Mais ça, lutter contre les patrons, on a l’habitude.

Alors, demander l’interdiction de l’incinération ? " C’est à la source qu’il faut réduire les déchets ", conclut le CNIID. Tout est à revoir, il n’a pas tort.

Il y a certainement aussi des procédés techniques, qui auraient un coût bien sûr, mais qui filtreraient les rejets et permettraient d’incinérer sans aucun danger.

Et puis, il y a pire que l’empoisonnement, c’est le fait qu’on nous le cache. Pour protéger des intérêts capitalistes. " Elle est récente, elle est moderne, elle est aux normes, c’est une belle usine... " Une logique de pollueur.

Loïc

Réforme des collèges :

On n’est pas motivés par leurs itinéraires

L’ancien ministre Lang a lancé la réforme des collèges qui s’appliquera à la rentrée prochaine en cinquième avec les " itinéraires de découvertes ". Plusieurs professeurs feront cours à des groupes de la taille d’une classe, 2 heures par semaine pendant deux trimestres, pour approfondir des thèmes communs à plusieurs matières ( français et histoire, maths et physique,…).

Cette réforme prétend " remotiver " les élèves leur montrer les liens qui existent entre les différents savoirs enseignés. Mais pour financer ces heures d’itinéraires de découverte, on a rien trouvé de mieux que d’en supprimer d’autres : les horaires sont revus à la baisse en français, math, histoire, langues,… Les élèves auront moins de temps pour apprendre les bases dans chaque matière, et on leur demandera en plus de comprendre les points communs et les différences entre les méthodes des différents professeurs. L’objectif paraît ambitieux, mais impossible à tenir. Le problème est toujours le même : il faut du temps et des moyens (pour le travail en petits groupes par exemple) pour apprendre quelque chose à quelqu’un.

Et en plus des diminutions d’horaires des matières obligatoires, les heures de projets seront supprimées, toujours pour financer la réforme. Au collège Joséphine Baker par exemple, cela signifierait la fin du Français Langue Etrangère (FLE) , c’est-à-dire des heures consacrées aux élèves non-francophones qui arrivent à Saint Ouen. Ceux-ci n’auront plus qu’à apprendre la langue sur le tas, en suivant uniquement des cours dans une langue qu’ils ne comprennent pas encore !

Pour faire des économies, ancien et nouveau gouvernement sont d’accord sur la pédagogie.

Paul

Saint Ouen

Une Manif devant l’Alstom

" Ralco ", les travailleurs de l’Alstom connaissent ce nom. C’est celui d’une commande de transformateurs pour le Chili. Plus précisément celui d’un barrage en construction.

" Ralco " : le samedi 4 mai, une petite manifestation a scandé ce nom, de la friche près du RER à la porte de l’usine Alstom. Trois associations de soutien aux indiens Mapuches du Chili avaient rédigé une " lettre aux salariés d’Alstom ", dénonçant la " complicité de l’entreprise Alstom " dans un " projet criminel ". De quoi s’agit-il ?

Après s’être battu pendant des siècles contre les Incas, puis contre les envahisseurs Espagnols, les Mapuches ont obtenu, en 1993, par une " loi indigène ", une sorte de droit à l’existence. Quelques années plus tard, la loi est remise en cause. Plusieurs villages sont menacés d’expulsion par un projet de barrage hydro-électrique. Pour eux, c’est la lutte pour survivre qui continue.

Voici ce qu’on pouvait lire dans un journal chilien, il y a deux mois : (Journal La Terceira, 4 mars 2002)

" CAGOULES, ILS ONT BRULE UN CAMION DE LA CENTRALE DE RALCO. L’attaque s’est produite au cours du transfert d’un transformateur destiné au barrage hydro-électrique de Ralco. C’est le cinquième incident qui se produit sur le trajet Talcahuano-Ralco.  "

Depuis le début de 2002, des centaines de Mapuches ont été arrêtés et mis en prison, 55 pour la seule journée du 5 mars. Parmi eux, des femmes, des vieillards, des enfants.

A l’usine Alstom, personne n’a entendu parler de l’accueil réservé aux transformateurs fabriqués à Saint-Ouen. Pourtant, les travailleurs et paysans chiliens ou autres ont tout autant besoin de recevoir une centrale électrique que les travailleurs de Saint-Ouen ont besoin de fabriquer un transfo pour vivre. Mais les multinationales et les états ne prennent pas en compte les besoins réels des hommes, ils se gardent bien de leur demander leur avis pour prendre des décisions. Seule la coordination des travailleurs avec ceux des autres pays pourrait réaliser ces aspirations.

Loïc

Le Parisien : le pays où la vie est plus chère

Un vendeur du Parisien se présente chez moi. Je prends un abonnement mensuel " porté à domicile " : 25,57 euros. Je regarde dans le journal. Abonnement normal : 23,55 euros. 2,02 euros de différence. Par la Poste, c’est moins cher. Après tout, avec la Poste aussi, c’est " porté à domicile ". Je téléphone à la SDVP (société de diffusion et de vente du Parisien, 69-73 boulevard Victor Hugo, Saint-Ouen, tél. 01 58 61 00 00). Je demande des explications. La réponse est logique : "  Oui mais la Poste porte beaucoup de choses en même temps, pour beaucoup de sociétés... ". Ma conclusion à moi est tout aussi logique: je résilie mon abonnement. Saint Ouen Luttes, c’est gratuit .

Loïc

Super Sarkozy à Saint Ouen

Le lendemain de sa nomination au ministère de l’intérieur, Nicolas sarkozy, " l’homme de terrain ", se déplaçait à Saint Ouen soit-disant pour rassurer les populations apeurées.

Après avoir repris le concept américain de " tolérance zéro ", le ministre va-t-il s’inspirer des théories fumeuses du chef de la police de New York Jack Mapple, le " combattant du crime ", qui préconise le harcèlement des petits délinquants pour des peccadilles afin qu’ils quittent le quartier ? Mais où vont-ils après ?

En fait , les superministères et autres flash-ball ne servent qu’à une chose : faire de la surenchère sécuritaire dans la foulée des Le Pen, Pasqua et Chevènement pour récolter des voix.

Sophie

Editorial

Bousculons leur petit jeu politicien

La campagne pour les élections législatives paraît bien terne à côté de celle du 2ème tour des présidentielles qui a permis d'assister à un scoop de l'histoire mondiale : une menace fasciste écrasée par une avalanche de bulletins de vote.

Chirac a été plébiscité avec 82 % des suffrages avec la complicité de la gauche, soi-disant pour faire barrage à Le Pen, alors que les voix de la droite y suffisaient amplement. L'ensemble de la classe politique a profité de cette opération.

Chirac, ayant sauvé le République, on ne discute plus "des affaires" à son sujet. La gauche plurielle, après avoir perdu des millions d'électeurs, s'est refait une virginité dans la mobilisation antifasciste. Elle a ainsi évité la discussion sur ses responsabilités dans une politique désastreuse pour les travailleurs. La droite, quant à elle, requinquée par la victoire de Chirac, malgré les dires de Raffarin, n'hésitera pas à tisser de nouveau des alliances avec l'extrême droite pour conserver ses sièges ou en gagner d’autres.

La droite pour faire barrage à Le Pen ! On pourrait en rire si plus de 5 millions d'électeurs n’avaient voté pour ce démagogue, milliardaire, populiste, xénophobe, raciste, n'ayant à proposer qu’une seule réponse à tous les problèmes : la préférence nationale contre les immigrés.

Menacés de perdre les élections, le PS, le PC les verts promettent la lune à leurs électeurs. Le PS, par exemple, après avoir privatisé bien plus que la droite, se dit maintenant opposé à toute privatisation des services publics. Il prétend défendre les retraites alors que Jospin et Chirac, à Barcelone, se sont engagés à repousser l'âge du départ et à allonger la durée des cotisations.

La droite, tout comme le PS, joue sur le registre du "tout-sécuritaire". A écouter Sarkozy, l'actuel ministre de l'intérieur, il faudrait un policier derrière chaque habitant. Dans les cités de banlieue à la dérive, atteintes de plein fouet par la misère et le chômage, l'équipement des policiers en flash-balls et autres quincailleries meurtrières, n'améliorera pas la situation sociale précaire des jeunes et des moins jeunes.

Le gouvernement qui sortira des umes, qu'il soit de droite comme de gauche, restera aux ordres du grand patronat. Or le MEDEF entend bien continuer sa politique de licenciements massifs, de flexibilité de l'emploi et de blocage des salaires.

Chirac et la droite veulent s'en prendre aux retraites des travailleurs en instaurant des fonds de pension à la française. Le PS et Hollande veulent faire de même avec "l'épargne salariale". Ces attaques concertées n'ont qu'un but : l'enrichissement des possédants, l'accroissement de leurs profits et de leur fortune.

Sur fond de croissance des abstentions, qui montrent un rejet profond de la politique politicienne, l’extrême gauche a eu un score notable de 10% qui exprime l’aspiration de trois millions d’électeurs à rejeter la politique de Chirac et de la gauche plurielle, et l’espoir dans une politique au service des travailleurs.

La campagne de la gauche gouvernementale pour " le vote utile pour la gauche dès le premier tour" est une tentative pour laminer l'expression de cette aspiration.

Mais quel que soit le résultat électoral, elle existe bel et bien, et se manifestera lors du troisième tour social, lors des luttes d'ensemble, qui bousculeront, nous le souhaitons vivement, le petit jeu politicien pourri des Le Pen, Chirac et autres Hollande.

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