Saint-Ouen Luttes n°29

28 Mars 2003

au sommaire :

Conforama Saint-Ouen : Une grève bien suivie *

Education Nationale : Vers la grève reconductible ? *

Notes de voyage en Palestine *

Logement : Expulsion d’un logement de la Ville *

Alstom TSO (Transformateurs Saint-Ouen) : La lutte contre les licenciements *

Non aux retraites au rabais *

Saint-Ouen : Une police municipale qui ne dit pas son nom *

Contre les crimes impérialistes en Irak... mais pas derrière Chirac *

Conforama Saint-Ouen

Une grève bien suivie

Le samedi 8 mars, les travailleurs de Conforama étaient en grève. Mouvement national, dans tous les magasins de France, mais particulièrement réussie à Saint-Ouen. Motif : les salaires.

La négociation annuelle avait débuté le 11 février, au siège, à Marne-la-Vallée. Dans un premier temps, la direction annonçait 1% pour les employés de base : caissières, dépôts, rayons de libre service. Ensuite, elle a ajouté 0,8 %... à partir d’octobre. Soit une moyenne de 1,2 % sur l’année. Ce qui ne compensait même pas, pour les plus petits salaires, la hausse des prix. Pour les vendeurs, rien. Comme ils sont "gueltés", c’est-à-dire qu’ils touchent un pourcentage sur les marges bénéficiaires des ventes, ils n’ont qu’à compter, comme d’habitude, sur les hausses des prix. Et pour les chefs de rayons, de 3,3 à 12 % ! Mais avec un important changement de leur mode de rémunération : un fixe qui passe de 50 % à 93 %.

Le lundi 3 mars après-midi, des délégations de la France entière manifestaient à Marne-la-Vallée, devant les bureaux de la direction. Les magasins de l’Ile-de-France étaient évidemment bien représentés : Bondy, Garges, Colombes... et Saint-Ouen. Il y a une présence syndicale de plus en plus forte à Saint-Ouen depuis deux ans, et des choses avaient été obtenues : passages en CDI de précaires, régularisation de travailleurs qui n’étaient pas payés conformément à la convention collective.

Le samedi 8, c’était la grève. Succès à Saint-Ouen. 60 personnes étaient sur le parking, près de la moitié des 134 employés. Toutes les catégories étaient présentes. Et bon accueil des "clients", qui exprimaient leur soutien.

C’est une première au " Confo " de Saint-Ouen où, de l’avis de tous, quelque chose a durablement changé.

Marie et Loïk

 

8 mars 2003 Conforama Saint-Ouen en grève (Groupe Pinault PR) Photo : Daniel Maunoury

Education Nationale

Vers la grève reconductible ?

Sous couvert de décentralisation, le ministère de l’Education nationale veut faire de nouvelles économies, au détriment des élèves. Voilà ce qui est prévu en cas de gestion des personnels par les régions :

- les personnels techniques pourraient être détachés des établissements pour effectuer d’autres tâches, sans aucun rapport avec l’Education nationale ;

- la fonction des Conseillers d’orientation-psychologue (CO-Psy) serait modifiée : au lieu de conseiller les élèves et leurs familles en fonction de leurs souhaits, ils auraient désormais pour mission de remplir les filières trop peu demandées et dissuader l’entrée dans des filières qui ne correspondent pas au " bassin d’emploi ". Ils n’auraient plus de permanences dans les établissements, mais uniquement dans les CIO ;

- les assistantes sociales ne seraient plus présentes non plus dans les écoles, au risque de ne plus pouvoir détecter certains problèmes, notamment ceux liés à l’enfance maltraitée.

Dans le même temps, les surveillants deviendraient des Assistants d’éducation, moins payés et sur CDD de trois ans. Les Emplois jeunes, eux, seraient licenciés.

13 établissements de Seine Saint Denis étaient représentés lundi 24 mars à une assemblée générale. Ils ont voté la grève reconductible à partir du jeudi 27 mars. C’est la seule solution pour faire reculer le gouvernement et obtenir enfin des moyens pour l’éducation.

Paul

Notes de voyage en Palestine

(suite du n°28 de Saint-Ouen Luttes)

Balata

Balata - camp de réfugiés dans les territoires occupés. Le chômage est la norme dans le camp, et plus encore depuis l’Intifada, car personne ne peut plus se rendre régulièrement au travail, a fortiori en Israël. 70 % des habitants du camp sont privés d’emplois. A part ceux qui sont employés par l’Autorité palestinienne, il n’y a quasiment que des travailleurs précaires dans les 30 % restant. En Israël, le salaire d’un ouvrier est de 3 000 shekels (environ 650 euros) et celui d’un professeur de 6 000 shekels (1300 euros). Mais dans le camp, un professeur gagne 1 300 shekels (un peu plus de 250 euros) et un ouvrier est payé à la journée, pour un salaire d’environ 60 et 70 shekels. Dans l’UNRWA, les contrats de travail des Palestiniens n’excèdent plus un an (renouvelable) et le salaire a baissé de moitié (autrefois il était de un peu plus de 2 000 shekels par mois, soit 500 dollars). Il n’y a plus eu de grèves depuis l’Intifada. Le syndicat des professeurs de l’UNRWA est important, mais pour ceux qui travaillent pour l’Autorité palestinienne il est compliqué de revendiquer. Beaucoup de chômeurs ont un commerce pour survivre, sans grand espoir de vendre mais aussi pour s’occuper. Chez les commerçants, il y a souvent 2 ou 3 sièges pour que l’on puisse discuter. Nous rencontrons chez le marchand de légumes un médecin libéral qui a fait ses études en Roumanie. Il nous parle de la photo d’un gamin tué auquel les services spécialisés israéliens ont ajouté une kippa pour les journaux, afin d’en faire un martyr. Il nous parle aussi des collaborateurs : " les gens sont pauvres, les Israéliens ont de l’argent ! " et souligne que les arrestations la nuit sont fréquentes. On appelle les soldats de ces patrouilles nocturnes les "Chevaliers de la nuit". Les salariés, lorsqu’ils ont assez d’argent à investir dans un hypothétique stock, tiennent aussi un commerce pour compléter leurs revenus (le prof à la retraite vend des chaussures, le véto précaire vend des C.D Rom piratés, le prof d’anglais vend de la papeterie, etc...). Mais il y a aussi une grande variété de petits producteurs agricoles, des coiffeurs, une quincaillerie, un café Internet et un stock de bonnets "Anarchy" qui font fureur auprès des habitants de Balata. Il y a trois écoles gérées par l’UNRWA dans le camp, 2 pour les filles et une pour les garçons. Le cinq avril, six mois auparavant, lors d’une incursion de l’armée qui a durée trois jours, des soldats sont entrés de nuit et ont détruit le matériel, une photocopieuse ainsi que les ordinateurs. Des papiers ont été déchirés et couverts de peinture. Beaucoup de portes ont été transpercées par des tirs ou forcées. Un placard de ballons est criblé par une rafale. Aux deux interventions sur l’école s’ajoute la violence quotidienne de l’occupation. Sur un an, trois élèves de l’établissement ont été tués et environ 70 ont été blessés. L’armée endommage délibérément les canalisations d’eau. Au mois de juillet, la pollution de l’eau a provoqué de nombreuses fièvres et le nombre de consultation est passé à 11 907 en un mois, pour une moyenne qui se situe autour de 7 500 (il y a eu 200 cas sérieux de maladie à cause de cette pollution).

Naplouse

Naplouse compte plus de 200 000 habitants, auxquels il faut ajouter les villages (qui peuvent aller jusqu’à 10 000 habitants chacun) et 50 000 réfugiés dans les camps. La grande majorité des habitants sont musulmans, avec un millier de chrétiens et environ 700 Samaritains (une secte juive très ancienne, qui vit à l’écart et dont les membres sont traités comme les autres Palestiniens). C’était le plus grand centre commercial de Cisjordanie. Mais les blocages ont fait disparaître le grand marché des produits agricoles car la production est dispersée directement entre toutes les petites villes et villages. Deux des usines de savon, une production traditionnelle de la ville, ont été bombardées par les F-16 parce qu’Israël y soupçonnait la fabrication de bombes. La prison aussi a été bombardée, ainsi que d’autres bâtiments administratifs ou civils. La situation économique est donc très difficile. Radio Marhaba par exemple ne diffuse plus aucune publicité, même gratuite pour les commerces locaux : il n’y a plus ni stocks ni clients... sans compter le couvre feu qui oblige à rester cloîtré avec sa famille.

Après huit jours, nous repartons par la même route, les mêmes check-points qu’à l’aller. En plein jour, des soldats contiennent la file d’attente désordonnée avec une grande violence, par des ordres et des insultes, des coups de poing et des coups de crosse. Une volonté délibérée des occupants de couper tous les liens entre les Palestiniens qui vivent à seulement quelques kilomètres les uns des autres, les isoler, les harceler et les décourager. Pour les Palestiniens, ces attentes systématiques et l’incertitude de pouvoir franchir chaque barrage sont un problème permanent qui sépare les familles, empêche de trouver du travail ou de s’y rendre régulièrement et donne l’impression de vivre en Cisjordanie comme dans une grande prison.

Paul et Relou

Logement

Expulsion d’un logement de la Ville

Un peu partout en France, avec le concours de la police de Sarkozy, les expulsions locatives ont commencé avant même la fin de la trêve hivernale de la mi-mars.

Le jeudi 6 mars, à Saint-Ouen, au 25 rue Pasteur, ce sont les services de la mairie et de l'Office HLM municipal, eux-mêmes, qui ont procédé à cette sale besogne en changeant la porte d’entrée de l’appartement du 1er étage droite qui appartient à la ville. Ces "travaux" ont eu lieu alors que le père était au travail et que la mère menait son premier enfant à l’école Victor Hugo. Cette famille, victime d'un faux bail payé 1 500 euros à un marchand de sommeil qui s’est fait passer pour le propriétaire, s'est retrouvé mise à la rue avec ses deux enfants (dont un de neuf mois) alors qu’elle vivait dans cet appartement depuis un mois.

Les habitants de la rue, leurs voisins, ont protesté contre cette injustice. Tous s’interrogent sur la manière de procéder des services municipaux : Pourquoi la mairie n’a-t-elle pas déposé une plainte devant les tribunaux qui sont les seuls habilités à demander une expulsion ? Pourquoi est-ce que ce sont les services de la ville et non la police qui procèdent à de telles actions ? Comment ont-ils osé mettre dehors une famille en pleine trêve hivernale ?

Cette attitude de la ville apparaît d’autant plus scandaleuse, que moins d’une semaine auparavant, le 28 février, la mairie avait organisé une rencontre avec les demandeurs de logement de la ville. Pendant cette réunion, Mme le Maire s’est indigné, avec raison, du déficit de construction de logements sociaux dans les villes riches. Elle s’est aussi alors prononcée clairement contre les expulsions sur la ville… Paroles en l’air, car quelques jours plus tard ce sont ses propres services qui rendaient inaccessible un logement vide depuis quatre ans, à des mal-logés qui avaient cru trouver un toit.

Laurent

Alstom TSO (Transformateurs Saint-Ouen)

La lutte contre les licenciements

Les travailleurs d’Alstom-TSO sont contents au moins sur un point : à chaque fois qu’ils font une action, ils passent à la télé. Evidemment, le projet de 105 suppressions d’emplois n’est pas annulé. La procédure continue, elle doit durer jusqu’en juin. Mais s’ils continuent à agir comme ils le font, la direction pourrait commencer à s’énerver !

Le 12 février, ils bloquent l’entrée de la Maison de la chimie, rue Saint-Dominique à Paris, et empêchent la tenue de la première réunion du CCE (Comité central d’entreprise). Le 4 mars, ils s’invitent sans prévenir (et sans payer : 700 euros la journée !) à un colloque organisé par la revue Liaisons Sociales dans les salons Hoche, à deux pas de la place de l’Etoile. Thème du colloque : "Comment réussir juridiquement et socialement un plan de restructuration" ! Le 12 mars, ils organisent un comité d’accueil devant l’Hôtel Harley, dans l’île de la Cité : c’est là que Patrick Kron, le nouveau PDG du groupe Alstom, convoquait les journalistes économiques et financiers. Rencontres avec une dizaine de journaux, chaînes de télé et agences de presse. Le 13 mars, conférence de presse devant la porte de l’usine, à Saint-Ouen. Le 21, défilé dans le cortège de tête de la manifestation européenne, aux côtés des Daewoo, Lu-Danone, ACT-Angers et Air-Lib. Slogan : " Les patrons licencient, licencions les patrons ! "

Les patrons en question pourraient commencer à ne pas apprécier ? C’est exactement ce que les travailleurs, eux, apprécieraient. Ils sont tout de même menacés d’être mis à la porte.

Loïc

Saint-Ouen

Une police municipale qui ne dit pas son nom

Avec la création d’une "brigade d’agents de surveillance de la voie publique", le conseil municipal a décidé de mettre en place une véritable police municipale. Les Verts ont voté contre. Dans le même temps, un commissariat supplémentaire doit être construit pour la police nationale cette fois, sur un terrain cédé gratuitement par la mairie.

L’insécurité serait donc le problème prioritaire sur Saint-Ouen. Voire ! Ces nouveaux agents auront pour mission les sanctions contre le stationnement gênant et les dépôts d’ordure sauvages, ainsi que la surveillance des puces.

Difficile, avec de tels objectifs, de justifier les déclarations de la mairie (ou du journal municipal) sur le thème : "l’insécurité, une injustice sociale". La majorité municipale donne plutôt l’impression de surfer sur les mêmes sujets à la mode que le gouvernement : insécurité et accidents de la route. Mais pour cela, on met sur le même plan de l’insécurité stationnement en double file et agression armée.

Les élus de la majorité voient tellement peu comment justifier la création de cette police municipale qu’ils le camouflent en "brigade d’agents de surveillance de la voie publique". Comme cela le mot est lâché : "lutte contre l’insécurité", bonjour les amalgames.

Paul

Non aux retraites au rabais

Les gouvernements qui depuis vingt ans ont prétendu sauver les retraites n’ont fait à chaque fois qu’aggraver les conditions des retraités… et celles des travailleurs en activité. Aussi bien les mesures politiques, comme la décision de Balladur en 1993 d’allonger la durée de cotisations pour le privé, que les mesures prétendument techniques ont toujours visé le même but : faire cotiser plus, et plus longtemps, les travailleurs, et leur verser une pension vieillesse de plus en plus réduite.

L’argument démographique utilisé actuellement est que le déficit des caisses de retraite augmente avec l’accroissement de l’espérance de vie. Le nombre de retraités augmenterait trop par rapport aux travailleurs en activité. C’est un mensonge. La productivité du travail a augmenté et continue d’augmenter de façon telle qu’elle compense, et bien au-delà, l’augmentation de ce rapport retraités / actifs.

D’autre part, il y aurait bien assez d’argent pour financer les retraites des travailleurs si l’on s’en prenait aux profits engrangés par les patrons et les riches. Ce sont les travailleurs et eux seuls qui ont créé ces profits par leur travail. Rien de plus juste et de plus normal que ce soient ces profits qui financent leurs retraites, à la fin de leur vie.

Aujourd’hui, dans le cadre des négociations Etat-syndicats, les attaques contre le régime actuel redoublent. La dernière intervention de Francis Mer, le 23 Mars, expose clairement les buts du gouvernement et du patronat : " Il faudrait aux alentours de 2008 démontrer aux Français qu’ils sont traités de manière équitable, au moins sous l’angle des durées de cotisations. " Passons sur le cynisme de la "manière équitable" et du "au moins". Cela veut dire, dans sa bouche, que les fonctionnaires doivent s’aligner sur le privé et passer à quarante années de cotisations. Il a même prôné, après 2008, une nouvelle augmentation de la durée de cotisations pour, selon ses termes, partager les " gains d’expérience de vie entre 2/3 pour le travail et 1/3 pour la retraite "…

Il faudra riposter avec ampleur et détermination, pour préserver nos acquis dans ce domaine, et pour lutter pour que la durée générale de cotisations pour l’ensemble des travailleurs soit ramenée à 37 ans et demi.

Victor

Contre les crimes impérialistes en Irak...
mais pas derrière Chirac

L'offensive américano-britannique en Irak, malgré son cortège de morts et de blessés civils, ne semble pas se dérouler selon les vœux de Bush ou de Tony Blair qui misaient sur une guerre courte. Malgré la mobilisation d'une armada considérable, équipée des derniers cris de la technique moderne en matière de barbarie militaire, malgré les bombardements de terreur, le régime dictatorial de Saddam Hussein résiste et la population n'accueille apparemment pas les envahisseurs comme des libérateurs.

" Le chemin que nous suivons pourrait être long " a dû reconnaître George W. Bush.qui s’apprête à transformer l’Irak et sa capitale Bagdad en un champ de ruines après avoir affamé le pays par un terrible embargo sur les produits alimentaires faisant plus d’un million de victimes. Derrière l’équipe Bush qui mène cette guerre abjecte contre le peuple irakien se profilent les intérêts des grands groupes capitalistes qui produisent les engins de mort, visent à s’emparer des ressources pétrolières ou guignent les chantiers de reconstruction d’un pays qu’ils auront eux-mêmes détruit.

Chirac, en se désolidarisant des dirigeants américains s’est forgé une réputation de sauveur de la paix pour la seule raison que les intérêts des groupes français TotalfinaElf, Alcatel, Bouygues ou Alstom menaçaient d’être lésés si les Américains occupaient l’Irak. Le "cinéma" de Villepin à l’ONU n’est que vaine tentative pour faire respecter les intérêts de l’impérialisme français au Moyen-Orient.

Chirac entend bien se servir de cette popularité pour mener une autre guerre, contre les travailleurs d’ici, menée par le patronat et son gouvernement, offensive tous azimuts de la bourgeoisie pour licencier, ravager le système de retraites, baisser le pouvoir d’achat, accroître la précarité, réprimer les sans papiers ou les jeunes travailleurs.

Les millions de manifestants aux USA et dans le monde n’ont pu empêcher la guerre. Pour faire reculer les impérialistes, il faudrait qu’ils sentent leur pouvoir menacé. Seule l’insurrection des classes opprimées et en premier lieu celle de la classe ouvrière américaine pourrait y parvenir Nous n’en sommes pas là. Mais ces manifestations démontrent au moins aux populations du Moyen-Orient que cette guerre ne se fait pas avec l’approbation des travailleurs du monde, que nous ne sommes pas dupes des buts véritables de la croisade de Bush, que nous sommes solidaires de ceux qui protestent aux USA même, contre cette sale guerre.