SOMMAIRE ZAC Victor Hugo : A qui vont servir les bureaux vides ? L'amiante : pas que dans les voitures, dans les poumons aussi La Saria, on l'a dans le nez ! L'insécurité pour qui ? Tous les chemins mènent à Vivendi Le câble du 3e millénaire : qui va payer ? Logement social : quel avenir ? Saint-Ouen la dèche... La guéguerre de Chirac-Jospin Editorial : En Afghanistan, l'ONU cautionne les nouveaux talibans
La ZAC (Zone d'aménagement " concerté ") Victor Hugo a conduit à la construction de nombreux bureaux de luxe. L'Euroatrium qui vient de sortir de terre représente 32 000 m2 ; l'ensemble Eurosquare 1 et 2, dont les travaux viennent de commencer, comprend deux immeubles de bureaux de prestige de 15 200 m2 et 17 600 m2. Le collectif " Une friche en ville " a déjà souligné les dommages que pouvaient causer aux habitants la construction d'un boulevard urbain et la disparition du dernier grand espace vert de la ville.
La décision de la Société générale de ne plus s'installer dans l'Euroatrium pose à nouveau la question de l'utilité de ces constructions de bureaux. La Société générale continue à payer 5,3 millions par mois à la compagnie d'assurances Generali, propriétaire de l'Euroatrium, la location d'un immeuble qu'elle n'occupe pas. " Tant que la Société générale paie son loyer, ce n'est pas mon problème... ", estime, cyniquement, la directrice de l'immobilier de la compagnie.
Voici donc une opération immobilière soutenue par les grands groupes capitalistes, la ville de Saint-Ouen, le Conseil général (via sa société d'aménagement la Sidec), le ministère des Transports (qui a donné ces terrains à la ville) qui, en plus de gêner les habitants n'est, à première vue, utile qu'à Generali qui se fout de louer des bureaux fantômes.
L'Euroatrium et l'Eurosquare qui comptent 64 800 m2 de bureaux représentent environ 650 appartements de 100 m2, ou 1000 de 65 m2, ou encore 1300 de 50 m2. Ces chiffres colossaux sont à mettre en rapport avec les à peine 300 logements sociaux que le bureau du logement a attribué en 2000. On voit ainsi quels choix sont faits par les capitalistes et les pouvoirs publics : héberger du vide et laisser les populations ouvrières dans les taudis. La municipalité avance que, dans le cadre de la ZAC, quelques logements pourront être construits sur la friche du RER. Or les habitants veulent conserver cet espace vert. Si elle veut vraiment répondre aux besoins de la population, la mairie doit préserver cet espace vert, et réquisitionner et aménager ces bureaux de luxe pour qu'ils deviennent des habitations.
Jean Duchêne
L'amiante a déjà affecté la santé et la vie de beaucoup de travailleurs. Et ce n'est pas fini. Il est prévu que dans quelques années le nombre de morts dus à l'amiante dépassera celui des accidents de la circulation: 10 000 par an environ, contre un peu moins de 8 000 sur les routes. Sans compter, dans les deux cas, les blessés.
Rien de naturel dans cette catastrophe, bien sûr. Même la justice, obligée de se prononcer à la suite de la mobilisation de travailleurs, a commencé à reconnaître les responsables : les patrons. La direction de l'Alstom, par exemple, a été condamnée le 8 novembre à verser dans un premier temps un total de 1,7 million de francs aux familles de 12 travailleurs de l'usine de Belfort, décédés pour avoir inhalé de l'amiante. Le tribunal a reconnu la " faute inexcusable ". La direction, pour se défendre, a prétendu qu'elle ne connaissait pas les dangers de l'amiante. Le juge ne l'a pas crue.
A Saint-Ouen aussi, le directeur de l'usine Alstom a été condamné par le tribunal correctionnel de Bobigny, en mai 2000, pour " mise en danger d'autrui ". Mais la lutte pour faire payer les patrons ne fait que commencer. Ils " paient " effectivement, en versant une somme d'argent. Ils s'en tirent bien, car de l'argent, ils en ont, mais ils ont tout de même tué des travailleurs en les empoisonnant.
Loïc
Au centre ville de Saint-Denis, l'usine Saria recycle des déchets animaliers, empoisonne et empuantit la vie de milliers d'habitants et de travailleurs qui résident alentour. L'odeur de viande pourrie est omniprésente, et le problème s'est exacerbé depuis que l'usine est passée, il y a quelques mois, des traitements des déchets de b¦ufs à ceux de porcs. Depuis six mois, les riverains ont réagi et multiplié les actions : une pétition a recueilli cinq mille signatures, une première manifestation a été organisée le 8 Juin. Le 9 Novembre, plus de mille personnes ont manifesté de nouveau, appelant au départ de cette entreprise. Saria, après avoir argué de difficultés techniques et financières, s'est engagée à remédier aux nuisances pour le 15 janvier.
Rien ne dit que cette promesse sera respectée, d'autant plus que les nuisances sont les plus fortes au printemps et en été, et qu'une amélioration apparente le 15 janvier ne voudra en rien dire que le problème est résolu.
Les solutions existent, bien sûr, pour remédier à cet état de fait, mais pourquoi dépenser les bénéfices en faveur du confort et du bien-être de la populationŠ et les subventions de l'Etat ? Car cette société nauséabonde est déclarée " d'utilité publique ", et à ce titre est largement subventionnéeŠ Ce qui ne l'empêche d'ailleurs pas de ne plus rendre ses comptes publics depuis 1997Š
Seul un contrôle direct de la population elle-même sur l'activité, la finalitéŠet les comptes des entreprises pourrait permettre d'empêcher de tels scandales, où la vie de milliers de gens est quotidiennement pourrie par le droit que s'arroge, avec mépris, une entreprise privée d'exercer son activité polluante comme bon lui semble.
Victor
Des manifestations de policiers et de gendarmes se sont succédé en France après l'assassinat de policiers au Plessis-Trévise. Deux agents ont été blessés à Saint-Ouen. Ils refusent de devenir des cibles faciles, et cela se comprend aisément. A la revendication de gilets pare-balles s'ajoutent des revendications concernant le temps de travail, le passage aux 35 heures, et les salaires. Il s'agit d'un métier dangereux mais comme bien d'autres. Il suffit de citer les ouvriers morts dans l'explosion de l'usine AZF à Toulouse qui a fait trois fois plus de morts que les sept policiers tués cette année. Sept victimes de trop, certes. Un mort de trop aussi que cet ouvrier broyé, à Peugeot-Sochaux, dans une machine à compacter les cartons. Mais concernant cette sécurité-là, les politiciens sont moins bavards.
Au-delà de ces revendications, une véritable campagne sécuritaire se développe, les élections se profilant à l'horizon, entraînant une surenchère de critiques de la droite et de la gauche à propos de la prétendu laxisme de la justice ou de la loi sur la présomption d'innocence. Que ne diraient-ils pas pour se faire réélire et frayer la voie à des démagogues comme Le Pen qui prêchent pour un régime encore plus policier ?
La petite délinquance existe bien sûr, rendant parfois impossible l'existence des habitants des banlieues. Mais ces problèmes de sécurité ne peuvent être résolus en mettant un policier derrière chaque voyou en puissance.
S'attaquer à la délinquance c'est s'en prendre au terrain qui l'engendre, la misère et le chômage. Quand verra-t-on les policiers s'en prendre aux actionnaires et aux dirigeants des grosses sociétés, qui, en licenciant massivement, 80 000 suppressions d'emplois en un an, tout en rackettant les salaires, sont les véritables responsables de la situation.
Paul
Le jeune Yves, à Saint-Ouen, qui après avoir bu un verre d'eau du robinet, téléphone en composant le 7, raccroche puis va faire ses devoirs sur des manuels Nathan ou Bordas et cherche un mot sur le dictionnaire Larousse. Il lit l'Etudiant pour s'orienter, puis éteint son CD et va voir un film au ciné UGC, se farcissant la pub de Havas avant le spectacle... Pendant ce temps, son père ouvre un roman édité par Plon. Il allume ensuite la télé, Canal Plus (un chanteur en direct de l'Olympia), en feuilletant l'Expansion ou l'Express. Puis il se connecte sur AOL, cherche du travail sur cadresonline, se déconnecte et descend les poubelles collectées par Onyx. Son épouse, médecin consulte le Vidal puis feuillette le Quotidien du Médecin, appelle un collègue sur son portable SFR et va ensuite aider sa fille qui apprend en jouant sur le logiciel Adibou, s'aidant d'un livre acheté chez France Loisir.
Cette famille, dans toutes ces activités, n'a jamais quitté Vivendi Universal. Comme consommateurs d'eau ils auraient pu être à Berlin, Paris, Calcuta, Chengdu ou Prague..., pour les déchets à Nîmes, Alexandrie, Miami... C'est toujours Vivendi. Dans une ville comme Nice, Vivendi c'est l'eau, le nettoyage, les déchets, les transports, la cantine. A Toulouse, c'est l'eau, le câble, les parkings, la télévision locale et la gestion des déchets...
Jean Marie Messier, lui, gagne 21 millions de francs par an, détient 200 000 titres Vivendi Universal sous forme de stock-options ... Numéro un mondial de la communication et leader dans l'environnement, il déclarait il n'y a pas si longtemps : " Les plans sociaux sont forcément des drames humains, personnels et familiaux... Si l'on attend qu'une entreprise perde de l'argent pour se restructurer, c'est souvent trop tard et le bilan en perte d'emplois est beaucoup plus important."
Relou
Ce qui est sûr, c'est que tous les trottoirs de la ville sont défoncés les uns après les autres. C'est pour le câblage du troisième millénaire ! Les travaux devraient durer jusqu'à la fin 2002. L'opération concerne 27 communes de la proche banlieue parisienne.
Le câble remplacera les antennes de télé collectives et les paraboles. C'est donc plus esthétique. Mais encore ? Le câble ajoutera deux chaînes, Paris-Première, qui n'est que la chaîne publicitaire de la Lyonnaise des Eaux, et un canal local possible, c'est-à-dire une éventuelle chaîne publicitaire... municipale. On a là la signature des deux acteurs de l'opération : la Lyonnaise, à travers sa filiale NOOS, et la municipalité, à travers le SIPPEREC, syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux de communication.
La Commune ne paie rien, même pour la possibilité d'une chaîne locale. Nous, nous payons déjà la redevance. Et pour avoir plus que les deux chaînes gratuites, pour avoir les douze chaînes hertziennes supplémentaires, ou un " bouquet " de chaînes numériques, ou Internet à haut débit, il faudra payer. Prendre un ou deux abonnements mensuels. Combien ? De 95 à 645 F. Convertis en euros, bien sûr.
Voilà donc le troisième millénaire ! Qui paiera ? Nous. Qui empochera ? La Lyonnaise des Eaux. Qui joue les intermédiaires ? La commune. On a changé de millénaire, mais pas de société.
Loïc
A Saint-Ouen, les logements sont vieux. Sur les 20 000 logements existants, la moitié date d'avant guerre. Ils ont donc plus de cinquante ans. Ils sont souvent vétustes. C'est pourquoi, on bâti à tour de bras à Saint-OuenŠ des immeubles de bureaux.
Le revenu moyen annuel sans prime ni treizième mois, à Saint-Ouen, est passé de 6 026 F à 5 993 F en dix ans. C'est une moyenne. Donc, beaucoup de travailleurs sont nettement en dessous. Rien d'étonnant quand on sait qu'un travailleur sur cinq est au chômage.
Bonjour les patrons et le gouvernement de la gauche plurielle.
Malgré ses tentatives, le gouvernement français a un mal de chien à vouloir faire la guéguerre dans la cour des grands. Les USA n'envisageaient qu'une présence symbolique de la France, l'Alliance du Nord n'en veut résolument pas et l'Ouzbékistan encore moins.
Quant à notre porte-avions national, le Charles de Gaulle, qui flotte enfin avec son hélice, il est parti, en espérant que la guerre sera encore au rendez-vous avant les élections.
C'est la victoire ? Sans avoir demandé l'avis des USA, l'Alliance du Nord a pris possession, à l'heure où nous écrivons, de la plupart des villes afghanes.
Après les talibans, c'est le règne des seigneurs de la guerre.
Finie la sollicitude annoncée envers les femmes afghanes, qui restent voilées et dont on réprime les manifestations à Kaboul. Finie la mansuétude annoncée envers les prisonniers talibans. Les massacres succèdent aux massacres avec l'appui de l'aviation américaine et l'hécatombe de journalistes sonne comme un avertissement à ne pas aller y regarder de trop près. Les commandos de marines américains ont reçu l'ordre de tuer le maximum de moujahidins. Malheur aux civils présents dans la zone. La traque de Ben Laden a bon dos et sert à camoufler la continuation de la guerre.
L'avènement de la démocratie ? Sous la houlette des impérialismes et sous couvert de l'ONU, s'est tenue une conférence en Allemagne pour le partage " à l'amiable " du pouvoir entre bandes armées rivales. Ils ont même ressorti de la naphtaline le vieux roi d'Afghanistan pour assurer le succès de l'opération. Mais rien ne dit qu'il en sortira quelque chose et que le carnage entre factions ne reprendra pas aussitôt la conférence terminée.
L'aide alimentaire ? une goutte d'eau dans un océan de misère.
Une victoire sur le terrorisme ? en imposant un terrorisme cent fois plus violent que celui du 11 Septembre à des populations innocentes ? Le dirigeant israélien Sharon a même profité de cette croisade de Bush pour bombarder à son tour les territoires palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, continuant sa politique de conquête des territoires en assimilant Arafat à Ben Laden. Avec une telle logique des Bush, Sharon, et Cie, après l'Afghanistan et la Palestine, la guerre ne s'étendra-t-elle pas à de nouveaux pays ?
Une victoire ? certainement pas pour les travailleurs des pays riches. Ils n'y ont gagné que le droit de se faire, un jour, trouer la peau, si la guerre perdure. Ils n'y ont gagné que des lois répressives qui, sous prétexte de combattre le terrorisme, seront utilisées à l'occasion contre eux. Ils n'y ont gagné, dès maintenant, qu'un regain de licenciements soi-disant pour sauvegarder la santé des entreprises.
On croit mourir pour la liberté, pour la démocratie, pour une guerre qu'on nous dit " juste " contre le terrorisme, on meurt, on fait des sacrifices pour redorer l'image des grandes puissances, pour restaurer les profits des industriels et des banquiers.
Cette guerre n'est pas la nôtre. A nous de nous y opposer.
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