Saint-Ouen Luttes n°30 du 1er mai 2003

Au sommaire :

Saint-Ouen : Tous les collèges et les lycées sont dans la grève *

Suppression de la bourse des collégiens *

Collège Joséphine Baker : 35 élèves privés de cantine *

Les employés municipaux *

Saint-Ouen : Sondage, dis moi... *

Logement : Locataires en colère *

Alstom : Une journée de grève totale *

Editorial : Attaques en rafale contre les travailleurs : Bas les pattes devant nos retraites *

 

Saint-Ouen

Tous les collèges et les lycées sont dans la grève

Un mouvement de grève se développe depuis maintenant plus de deux mois dans l’éducation. Parti d’académies du sud de la France, comme Marseille et Bordeaux, il a été repris par d’autres, comme la Seine-Maritime, Toulouse, et la Seine-Saint-Denis dès le 27 mars.

Partout, les personnels refusent le projet de décentralisation qui aboutirait à ce que la plupart des personnels non enseignants (conseillers d’orientation, assistantes sociales, médecins scolaires) ne soient plus présents dans les établissements sauf pour des interventions ponctuelles. Les personnels techniques pour leur part devraient effectuer des travaux pour le compte des collectivités territoriales en plus des travaux dans les établissements, alors qu’ils sont déjà en sous-effectifs.

A cela s’ajoute les 20 000 aides éducateurs mis à la porte à la fin de l’année, et la suppression de 5 600 postes de surveillants. Un nouveau statut d’assistant d’éducation serait créé, sur CDD de trois ans et sous la responsabilité directe du chef d’établissement. Avec 16 000 nouveaux postes contre 25 600 supprimés, le compte n’y est pas ! La manière dont le ministère traite les personnels de surveillance a aussi fait resurgir la question de la précarité : chez les enseignants et les agents d’entretien aussi, de plus en plus de contrats à durée déterminée et mal payés remplacent les postes de fonctionnaires. Enfin, la question des retraites inquiète tout le monde. C’est la perspective de 37,5 annuités pour tous, public et privé, c’est-à-dire l’alignement vers le haut, qui s’impose dans les assemblées de grévistes.

A Saint-Ouen, depuis la rentrée, tous les établissements du secondaire se sont lancés dans la grève, soit 3 collèges et 2 lycées. Dès le début, les grévistes ont voulu sortir des établissements pour étendre le mouvement. Des profs, des conseillers d’orientations, des personnels techniques sont allés à la rencontre de leurs collègues dans les autres communes pour les convaincre de les rejoindre dans la grève. Pour s’adresser à la population, un petit bulletin a été rédigé et une manifestation a réuni près de 100 personnes à travers la ville, du marché Ottino à l’Alstom en passant par la mairie, dans une ambiance dynamique. Une réunion avec les grévistes du collège Michelet a convaincu les parents d’élèves de bloquer les portes pendant une journée en soutien au mouvement.

La grève s’étend. Plus de 130 établissements étaient en grève dans la région parisienne le 29 avril, dont 90 sur le département. Une manifestation en direction du ministère a réuni 3 500 personnes l’après-midi.

Paul

•Suppression de la bourse des collégiens

Chaque année au mois d’avril, la Caisse des écoles délivrait des dossiers aux familles dont les enfants vont entrer ou sont au collège pour obtenir une aide de la mairie en fonction de leur revenu. Cette année, il n’est plus possible d’obtenir ces dossiers. L’argent sert désormais à financer des projets dans les établissements (voyages, théâtre…) qui étaient autrefois payés par le ministère de l’Education nationale. Un avant-goût de la décentralisation : plus de missions pour les mairies, mais pas plus d’argent…

•Collège Joséphine Baker : 35 élèves privés de cantine

Le gouvernement Raffarin est économe : le fond social collégien a été gelé dans un souci budgétaire. Mais comme ce fond servait à payer une partie des repas aux familles dont les revenus sont les plus faibles, 35 élèves ne peuvent plus venir à la cantine rien que pour le collège Joséphine Baker. Ils mangent où et quoi à midi ?

Les employés municipaux

Nous avons eu des discussions avec des "communaux" de Saint-Ouen, c’est-à-dire des travailleurs de la mairie. Il est naturel de commencer par une présentation générale. Mais SOL leur donnera encore la parole dans les mois à venir.

- Les métiers des employés municipaux sont très variés ?

- Oui, tout à fait. Ca va de l’agent d’entretien au directeur, du professeur de musique ou de danse au comptable, en passant par l’auxiliaire de puériculture, du serrurier au jardinier, etc. Oui, vraiment très varié. Il y a six filières. La plus nombreuse, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, n’est pas la filière administrative mais la filière technique. Il y a environ 300 agents d’entretien : c’est la profession la plus représentée. Les autres filières sont, dans l’ordre, la filière médico-sociale, la filière culturelle, la filière animation. Et les moins nombreuses, la filière sportive, et celle qui vient d’être créée, la filière police municipale.

Quant aux services, voici quelques exemples, pour vous donner une idée de la diversité : Entretien des écoles, Centres médico-sociaux, Bibliothèques, Service bâtiments, Communication et relations publiques, Garage, Service jeunesse, Atlas, Service du Personnel, Centres de loisirs maternels, CCAS (Centre communal d’action sociale), RMI, Cuisine et restauration scolaire, Archives et documentation, Chauffagistes, Finances, Développement urbain et aménagement, Service informatique, Service foncier, Service prévention sécurité, Parcs et jardins, Voirie, Logement, Fêtes et animations, Protection maternelle et infantile, Développement économique et emploi, Service audiovisuel, Accueil, Etablissements balnéaires, Service municipal de l’enfance ("garderies"), Sports...

- Cela fait beaucoup de monde ?

- Nous sommes environ 1 600. Le dernier chiffre précis est celui des effectifs, fin 2000 : il était de 1 264 personnes. Mais au 1er janvier 2003, les employés qui dépendaient de la Caisse des écoles ont été rattachés à la mairie, soit 360 personnes de plus. Les femmes sont nettement majoritaires : environ 60 %.

- Vous êtes fonctionnaires ?

- Oui. On distingue trois fonctions publiques en France, la fonction publique de l’Etat, la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale. Nous faisons partie de la territoriale.

- Vous avez la garantie de l’emploi ?

- Oui, mais on peut être "révoqué" pour faute. C’est rare mais ça arrive. Il y a toute une liste de sanctions prévues qui vont du simple avertissement à la révocation. Deuxièmement, on n’est pas forcément remplacé quand on part, démissionnaire ou à la retraite. Et puis, il y a environ 15% de non-fonctionnaires : les stagiaires, qui sont en attente de leur titularisation ; les vacataires, agents payés à la "vacation" tels les médecins, les avocats ; les emplois-jeunes, qui relèvent du droit privé ; et tous les non-titulaires proprement dit (saisonniers, tâches occasionnelles, remplacements de fonctionnaires malades...).

- Et les salaires ?

- Très modestes. Selon la loi, la rémunération des fonctionnaires comprend le traitement principal, l’indemnité de résidence, le supplément familial ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. La particularité des salaires, c’est certainement l’importance des primes, très faibles pour les basses qualifications, et de plus en plus importantes quand on monte dans la hiérarchie. Les derniers chiffres précis que nous avons sont ceux de l’année 2000, mais ça n’a pas beaucoup changé depuis : 60 % du personnel gagnait entre 7 077 et 9 573 francs net, tout compris (heures supplémentaires, primes, etc.).

- Bref vous êtes tellement différents des autres travailleurs, que vous y ressemblez beaucoup…

Propos recueillis par Loïc

Saint-Ouen

Sondage, dis moi...

Vous avez peut-être vous aussi été interrogé par l’institut de sondage BVA qui réalise une enquête téléphonique à la demande de la ville de Saint-Ouen. Ce sondage qui dure une vingtaine de minutes, même si on vous dit au début qu’il durera dix minutes, pose d’abord des questions sur votre situation, où vous habitez, votre sensibilité politique, les problèmes que vous rencontrez, est-ce que la municipalité y répond, est-ce qu’elle communique bien. Puis, on vous demande si vous êtes informé des projets municipaux par rapport au logement, aux espaces verts, à la rénovation du centre ville, à la propreté, à la sécurité, à la Maison des associations, au Red Star… Ensuite, les questions sont ciblées sur la maire et son équipe, a-t-elle tenu ses promesses ? est-elle à l’écoute ? est-elle assez présente ? est-elle plutôt honnête, plutôt pas honnête… Enfin, une question est plus étonnante, de but en blanc, on vous demande pour qui vous avez voté aux dernières élections municipales.

On peut s’interroger sur les objectifs de ce sondage. Est-ce pour recueillir les attentes de la population que les élus sont censés pourtant connaître ? Ou s’agit-il de savoir comment les dirigeants de la ville doivent soigner leur image ? Ou de cerner sur quel axe devra se construire la future campagne électorale d’une maire qui se présenterait aux cantonales ? Alors que les dernières élections présidentielles ont montré qu’il fallait se méfier des sondages et des conseils des "spécialistes de la communication", l’équipe municipale s’y intéresse de plus en plus. Comme quoi, il faut savoir nager à contre-courant.

Laurent

Logement

Locataires en colère

Le bloc d’immeubles du boulevard Victor Hugo, du n°16 au n°32, est recouvert de banderoles témoignant du raz le bol de ses habitants : " 40 ans sans travaux, tout s’écroule ", " Réhabilitez ! ", " Raz le bol de toujours espérer pour rien, nous voulons des travaux ! ", " Le boulevard Victor Hugo est une nationale = double vitrage ", " Les seigneurs du Boulevard Haussmann sont-ils hors-la-loi ? "…

Ces appartements appartiennent à la société anonyme d’HLM France Habitation, basée boulevard Haussmann à Paris, ils ont été construits à la fin des années 50 et sont essentiellement attribués à partir du 1 % logement. Les locataires ont signé une pétition qui demande au propriétaire de faire le ravalement non effectué depuis trente ans et pourtant obligatoire, changer les fenêtres dont l’huisserie est en piteux état et mettre des doubles vitrages, revoir les canalisations régulièrement bouchées, remédier aux infiltrations d’eau, remettre en état les plafonds et murs plus que dégradés…

" Plus de 80 des 99 locataires ont signé la pétition, ç’aurait pu être du 100 % mais on n’a pas réussi à voir tout le monde, et l’on voulait l’envoyer rapidement " explique une des habitantes à l’origine du mouvement. La pétition a été adressée à la mairie et à France Habitation.

Le service municipal d’Hygiène s’est alors déplacé pour constater la situation de l’immeuble et une rencontre a eu lieu entre la mairie et le propriétaire privé. Mais curieusement les habitants n’ont pas été invités à cette réunion dont il n’est sorti que le minimum du minimum : le recrutement d’un nouveau gardien sur le poste qui était vacant depuis un an, le nettoyage de l’espace vert qui longe l’arrière de l’immeuble, la vaporisation de poudre contre les rats…

Les habitants mécontents d’avoir été évincés de cette réunion et de ses maigres résultats ont, finalement, obtenu d’être reçus directement pas leur propriétaire pour la mi-mai, au siège de Pantin, et comptent bien lui faire entendre de vive voix leurs légitimes demandes.

Laurent

Alstom

Une journée de grève totale

Dès cinq heures du matin, le mercredi 23 avril, des piquets de grève se mettaient en place aux portes de l’Alstom. Ce fut une journée de grève totale pour les travailleurs du site industriel situé en face de la mairie. Un huissier payé par la direction venait constater que la liberté du travail était bien respectée mais que seuls quelques directeurs et chefs d’atelier désiraient entrer.

Un plan de 105 licenciements a été annoncé à TSO (Transformateurs Saint-Ouen) mais l’inquiétude est grande au sujet de l’avenir de tous, y compris des 300 travailleurs qui resteraient. De même que chez les salariés de l’autre usine du site, la SIF (signalisation ferroviaire). 60 ont été mutés à Meudon l’année dernière, et on leur avait déjà annoncé un déménagement de l’ensemble de l’entreprise, finalement annulé, ou plutôt reporté.

La journée du mercredi 23 avait été choisie parce qu’il y avait une réunion de CCE ce jour-là. C’était en principe la dernière réunion du volet économique avant de passer au volet "social". Mais les délégués constatant que les projets de la direction pour l’avenir de l’usine étaient extrêmement flous, et menaçant d’aller porter l’affaire au tribunal, la direction leur donnait rendez-vous pour une réunion supplémentaire le 6 mai. Une forme d’aveu qui n’a pas de quoi rassurer les travailleurs, quel que soit le contenu de la prochaine réunion. Lors du dernier "plan", en 2000, la direction avait annoncé des licenciements et... des investissements (pour 20 millions de francs). Les licenciements ont été réalisés, mais pas les investissements !

Les revendications des travailleurs sont les suivantes :

- l’arrêt de tout projet de licenciements,

- des investissements immédiats et conséquents,

- des retraites à 55 ans pour les travaux pénibles et à 50 ans pour l’exposition à l’amiante,

- l’embauche et la formation de jeunes.

Loïc

Editorial - Attaques en rafale contre les travailleurs :

Bas les pattes devant nos retraites

François Fillon, le ministre des Affaires sociales, a parlé retraites le jeudi 24 avril à l’émission "100 minutes pour convaincre". Mais pour convaincre de quoi ?

Après la gauche, la majorité parlementaire de droite mène ouvertement "sa guerre sociale" contre tous les acquis des salariés qu’elle cherche à démanteler, voire carrément supprimer. Aujourd’hui les retraites sont menacées, demain ce sera la Sécurité sociale, si on laisse faire. Pour les retraites, Raffarin tente de jouer la division des travailleurs du privé et du public qu’on nous présente comme des privilégiés. Il prétend qu’allonger la durée de cotisations des fonctionnaires de 37,5 à 40 annuités ne vise qu’à rétablir l’équilibre avec le privé. Mais la potion Raffarin menace aussi le privé, car en 2012 tout le monde devra cotiser 41 ans et 42 ans en 2020. Le gouvernement n’attaque pas que sur la durée de cotisations. Il s’en prend au montant des pensions. Fillon prétend garantir une retraite "en moyenne égale aux deux tiers du revenu de référence". Cela représente une sérieuse baisse par rapport à aujourd’hui où le montant des retraites est en moyenne de 78 % des revenus et 83 % pour les smicards… auxquels Fillon garantit "au moins 75 % !"

D’après les calculs de la CGT, entre 1993 et 2020, la baisse du niveau moyen des retraites serait de 20 % pour les fonctionnaires et de 30 % pour ceux du privé ! Ainsi un salarié du privé gagnant 1400 ¤ net par mois, prenant sa retraite à 60 ans avec 40 annuités, touche 1148 ¤ aujourd’hui. Mais si Fillon parvient à ses fins, un travailleur partant dans les mêmes conditions en 2020 n’aurait que 743 ¤, soit 405 ¤ de moins ! Ce n’est plus une attaque, c’est un hold-up ! Pour ceux qui ne voudraient pas passer leur retraite sous les ponts, Fillon propose de souscrire des compléments par capitalisation, c’est-à-dire rogner sur nos salaires pour en donner une partie aux fonds privés qui joueront nos économies en bourse… en espérant les revoir un jour !

Le gouvernement a d’autres projets dans ses cartons. Sur la Sécu, par exemple, 617 médicaments courants vont immédiatement voir leur taux de remboursement passer de 65 à 35 %. Et ce ne serait que le prélude d’une vaste "réforme" du système de soins annoncée pour l’automne. La Sécu ne prendrait plus en charge que les gros risques, laissant aux assurés sociaux le soin de payer le reste ou de s’assurer à leurs frais en cotisant davantage aux mutuelles ou en contractant des assurances privées. Raffarin annonce par ailleurs qu’un fonctionnaire sur deux pourrait ne pas être remplacé dès l’an prochain. Des salariés de l’Etat sont licenciés chez Giat. En matière de casse de l’emploi les patrons du privé ne se sont pas gêné pour précéder le gouvernement, mais en donnant l’exemple, celui-ci les encourage à continuer !

Il faut combattre cette offensive tous azimuts visant l’ensemble des travailleurs, et, pour commencer, ne pas tomber dans le piège de prétendues négociations. Ce qu’il nous faut, c’est le retour aux 37,5 annuités maximum pour tous, sans baisse de pensions, le maintien du droit de se soigner pour tous, l’interdiction des licenciements, l’augmentation générale des salaires. Nous devons participer nombreux aux journées de mobilisation à l’appel des confédérations syndicales le 1er et le 13 mai, suivre l’appel des fédérations de l’Education nationale le 6 mai où certains secteurs comme la Seine-Saint-Denis sont en grève reconductible. Sans compter les postiers de Paris en grève contre la suppression de la "2ème tournée du facteur".

Pour faire reculer Raffarin, tout comme Juppé a dû battre en retraite en 1995, on ne pourra se contenter de journées d’action. Il faut dès maintenant envisager une riposte à la hauteur des attaques du gouvernement et du patronat.